Dans le cadre de la 5° conférence régionale Afrique de la CIID tenue à Marrakech le 25 Novembre 2021, une journée d’échanges SAGI / ORMVA / SAR sur le thème de la gestion durable de l’irrigation pour une meilleure résilience de l’agriculture en Afrique a été organisée. Une analyse comparative des structures de gestions de la grande irrigation en Afrique de l’ouest, au Maroc et en France a été produite. 

Cette publication trouve son origine au sein du Costea. Il implique la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) et le Réseau formation agricole et rurale (FAR), qui s’intéressent aux enjeux de l’eau agricole et de la formation / appui-conseil aux agriculteurs dans les pays du Sud.

Le présent rapport s’inscrit au sein de l’axe thématique « Gouvernance des systèmes irrigués et conduite du changement en irrigation ».

L’objectif de cette étude est double. Il s’agit d’une part d’analyser les cadres règlementaires qui régissent l’accès au foncier et à l’eau en agriculture dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) et ce sur la base d’un travail bibliographique. L’objectif est d’autre part de rendre compte de la réalité de pratiques foncières et hydrauliques à l’œuvre sur le terrain. L’analyse de la diversité de ces pratiques se base à la fois sur une capitalisation des travaux scientifiques conduits récemment dans la région (en particulier par l’auteur et contributeurs), et repose également sur des enquêtes de terrain complémentaires réalisées dans le cadre de cette étude, afin de renseigner certains types de pratiques insuffisamment abordées dans la littérature. L’analyse des situations concrètes, permet in fine, de confronter les cadres légaux aux réalités du terrain et mettre la lumière sur des améliorations possibles de ces cadres afin d’évoluer vers un usage plus efficient du foncier et de l’eau. Ce travail vient ainsi alimenter la réflexion plus générale du COSTEA sur le foncier irrigué dans les pays du Sud.

Les périmètres de grande hydraulique au Maroc utilisent pour l’essentiel l’irrigation gravitaire ou l’aspersion. Dans ces périmètres, plusieurs projets pilotes de reconversion collective à l’irrigation localisée sont en cours. Nous avons mené une étude sur la participation des agriculteurs à la conception d’un projet pilote dans le périmètre du Tadla.
Le projet ne prévoyait pas initialement de gérer l’aménagement de l’irrigation localisée au niveau des parcelles, mais cet aspect a été inclus par la suite. Les associations d’usagers de l’eau ont été redynamisées, avec notamment la nomination de chefs de bloc, qui doivent jouer le rôle d’intermédiaires entre les agriculteurs et le conseil d’administration. De nombreuses réunions d’information et de coordination ont été organisées. Ces différentes initiatives ont permis une bonne qualité de dialogue entre une minorité d’agriculteurs et les acteurs de développement en charge du projet.

Cependant, une majorité d’agriculteurs n’ont pas ou peu participé aux réunions et aux visites de formation sur l’irrigation localisée, et ce, pour trois principales raisons :

  1. une majorité des exploitations enquêtées sont gérées par plusieurs héritiers qui exploitent de façon indépendante des lots séparés, mais utilisent la même borne et ainsi sont peu visibles pour l’administration ;
  2. l’absence de définition initiale d’une méthode explicite pour s’assurer d’une large participation ;
  3. le rôle limité qu’a joué les associations d’irrigants dans la circulation de l’information. Malgré ces limites, l’expérience a aussi été un lieu important d’apprentissage pour l’ensemble des acteurs, avec une amélioration progressive des conditions et résultats de la participation des agriculteurs.

La présente étude est financée par l’Association Française de l’Eau, de l’Irrigation et de Drainage (AFEID) dans le cadre du COSTEA. Il a été menée dans le périmètre irrigué de Tadla, plus précisément au niveau du secteur pilote (4045 ha) du projet de reconversion de l’irrigation gravitaire à l’irrigation localisée.
Les objectifs de ce travail consistent à une étude critique de la démarche utilisée pour le choix de l’équipement interne des exploitations faisant partie de ce secteur, une évaluation des critères de performance de l’irrigation à l’échelle de l’exploitation agricole et une appréciation de l’impact de l’irrigation localisée sur les prélèvements à partir de la nappe. La démarche adoptée pour effectuer ce travail consiste en :

  • La collecte des données à travers des entretiens avec les responsables et agents de l’ORMVAT et de l’assistance technique aux agriculteurs de la zone de reconversion, d’une part et les enquêtes réalisées auprès des agriculteurs, des AUEA et des sociétés d’installation du matériel d’irrigation, d’autre part ;
  • La mesure et le calcul des paramètres hydrauliques pour l’évaluation des performances des exploitations ;
  • L’inventaire exhaustif des points de prélèvement à partir de la nappe et estimation des volumes pompés au niveau du secteur pilote.

L’étude a révélé que :

D’après les enquêtes réalisées auprès d’un échantillon d’agriculteurs du secteur pilote, une grande partie des exploitants (79 %) n’a aucune connaissance du système d’irrigation localisée et 20% des agriculteurs ont exprimé leurs craintes vis-à-vis de la commercialisation de leurs produits agricoles après la reconversion ;

  • A la base des spéculations pratiquées, les volumes apportés par campagne agricole différent selon la technique d’irrigation, le volume moyen apporté sous gravitaire est de 14094 m3/ha contre un volume moyen de 9010 m3/ha sous goutte à goutte ;
  • Le volume annuel prélevé à partir de la nappe à l’échelle du secteur pilote (4045 ha) est estimé à 10.43 Mm3.
  • Les prélèvements prévisibles à partir de la nappe après la reconversion en cas d’anomalies permanentes dans le réseau et d’augmentation du prix du m3 d’eau seront estimés à 9.54 Mm3.

Après 20 ans de désengagement, l’Etat marocain réinvestit le secteur agricole depuis 2008 à travers une politique volontariste appelé « Plan Maroc Vert ». Les enjeux liés à l’eau et sa raréfaction ont conduit à la mise en oeuvre d’un Programme National d’Economie d’Eau visant à économiser et à mieux valoriser l‘eau d’irrigation.

Un important mécanisme de subvention a été déployé afin d’inciter les agriculteurs à adopter des techniques d’irrigation localisée moderne, le goutte-à-goutte. Les périmètres irrigués, notamment les zones de grande hydraulique, font l’objet d’une attention particulière dans ce programme. Cependant, l’adoption de ce type de technique moderne exige de la formation et de l’encadrement pour les petites et moyennes exploitations qui caractérisent majoritairement ces périmètres.Parallèlement, l’Etat a engagé en 2010 une réforme importante sur le conseil agricole.Cette stratégie consiste à mettre en place un dispositif qui soit pluriel, fondé sur l’autonomisation progressive des agriculteurs et la responsabilisation des acteurs.En même temps que la redynamisation du rôle de l’Etat, la prise en main du conseil et de la formation doit se faire par le secteur privé. Les organisations professionnelles agricoles(OPA), à l’exception des chambres d’agriculture et inter-professions, ne sont pas considérées comme des acteurs stratégiques de cette nouvelle réforme.Pourtant, elles assurent de nombreux services aux petites et moyennes exploitations familiales.Le but de cette étude est de comprendre le rôle que peuvent jouer les organisations professionnelles dans la conception et la mise en oeuvre de dispositif de formation professionnelle en zone irriguée. Pour répondre à cette question, l’étude s’est focalisée sur deux organisations professionnelles qui opèrent dans le périmètre de grande hydraulique de la région du Tadla-Azilal. A travers une série d’entretiens avec des agriculteurs et les autres acteurs impliqués dans des formations courtes portées par ces deux OPA, nous avons cherché à voir quels effets avaient pu être produits et dans quelle mesure les dispositifs pouvaient être améliorés dans une perspective durable.Les OPA sont capables de mettre en place des dispositifs de formation qui permettent le renforcement de compétences techniques sur les exploitations. Cependant, dans un contexte où l’offre globale de services à l’agriculture reste réduite, les petites et moyennes exploitations ne sont pas en mesure d’optimiser les effets de la formation technique. Au-delà d’améliorations possibles en termes d’ingénierie de la formation, ces effets sont aussi liés à l’accès à d’autres services, pour un développement durable des petites et moyennes exploitations.Les OPA suffisamment structurées pour porter un dispositif de formation/conseil ne doivent pas être exclues du dispositif national. Leur soutien par les pouvoirs publics contribuerait à améliorer l’impact des divers efforts entrepris, bien coordonnés. Les OPA ont un rôle essentiel à jouer dans la gouvernance du dispositif national qui se met en place.