L’objectif de cette étude est double. Il s’agit d’une part d’analyser les cadres règlementaires qui régissent l’accès au foncier et à l’eau en agriculture dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) et ce sur la base d’un travail bibliographique. L’objectif est d’autre part de rendre compte de la réalité de pratiques foncières et hydrauliques à l’œuvre sur le terrain. L’analyse de la diversité de ces pratiques se base à la fois sur une capitalisation des travaux scientifiques conduits récemment dans la région (en particulier par l’auteur et contributeurs), et repose également sur des enquêtes de terrain complémentaires réalisées dans le cadre de cette étude, afin de renseigner certains types de pratiques insuffisamment abordées dans la littérature. L’analyse des situations concrètes, permet in fine, de confronter les cadres légaux aux réalités du terrain et mettre la lumière sur des améliorations possibles de ces cadres afin d’évoluer vers un usage plus efficient du foncier et de l’eau. Ce travail vient ainsi alimenter la réflexion plus générale du COSTEA sur le foncier irrigué dans les pays du Sud.

Le développement du marché du faire-valoir indierct, dans la plaine de Kairoaun en Tunisie, illustre l’adaptation des acteurs à leurs contraintes locales en termes d’accès au foncier, à l’eau et au capital, essentiellement.
Les opportunités d’accès à l’eau souterraine et le développement des cultures irriguées destinées au marché local et étranger ont augmenté la valeur marchande de la terre, induisant une forte pression sur celle-ci. Cette dynamique a conduit à l’ouverture d’un large éventail de droits de transfert provisoire des terres par une multiplicité d’arrangements contractuels. Notre travail avait pour objectif de caractériser ces arrangements, comprendre les logiques des acteurs qui les portent et appréhender l’évolution de quelques trajectoires d’acteurs.

Par une démarche systémique et une analyse de diagnostic agraire, réalisées à l’échelle d’une petite localité agricole de Kairouan, la commune de Chbika, nous apportons des éclairages sur les principales pratiques contractuelles agraires qui régissent actuellement l’essentiel des échanges autour du foncier.

Nous montrons que ces pratiques s’articulent essentiellement autour de plusieurs figures du métayage et de la location. Nous détaillons ensuite les différentes règles et facteurs qui régissent et déterminent ces arrangements et les différentes logiques des acteurs selon qu’il s’agisse des preneurs ou des cédants.

Nous mettons également en évidence les anciens arrangements qui ont perdu de leur importance, ou disparus (mgharssa, mouzarâa).

Enfin, nous apportons quelques élements de réponse sur l’évolution de ces arrangements à travers l’analyse de quelques trajectoires d’acteurs par les « récits de vie ». Nous vérifions ainsi dans ce travail l’hypothèse principale d’émergence d’un marché du faire-valoir indirect, diversifié et dynamique, comme principal régulateur de l’accès au foncier et le rôle de l’accès à l’eau souterraine dans son développement.